Lorsque l'employeur manque à son obligation de fournir le travail convenu au salarié, la prise d'acte par ce dernier de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En présence d'un manquement de l'employeur à son obligation de fournir le travail convenu, il a déjà été jugé, avant les premiers arrêts relatifs à la prise d'acte, que le salarié pouvait se prévaloir de la rupture du contrat par l'employeur (Cass. soc. 27 mars 2001 n° 98-45.370 : N-IV-27420). La Cour de cassation a aussi admis qu'il pouvait demander la résiliation judiciaire du contrat (Cass. soc. 24 janvier 2007 n° 05-41.913 : N-IV-27480). Elle décide logiquement aujourd'hui que ce manquement de l'employeur justifie la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail.
Dans cette affaire, à la suite de la nomination d'un nouveau PDG, le rédacteur en chef d'un journal local a été remplacé dans ses fonctions et s'est retrouvé sans affectation. L'employeur n'ayant ni proposé un nouveau poste ni entrepris une procédure de licenciement dans les semaines qui suivirent, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail pour défaut de fourniture de travail.
La cour d'appel avait considéré que cette prise d'acte n'était pas justifiée et produisait les effets d'une démission.
Sans surprise, la Cour de cassation censure cette solution, en rappelant l'obligation qui incombe à l'employeur de fournir au salarié le travail convenu. Elle estime qu'un manquement à cette obligation justifie que le salarié prenne acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, celle-ci produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
On remarquera qu'ici encore, la Cour de cassation contrôle l'appréciation de la gravité des manquements imputés à l'employeur au soutien d'une prise d'acte, comme elle l'a déjà fait en présence d'une modification unilatérale du contrat de travail (Cass. soc. 5 mai 2010 n° 07-45.409 : N-VI-12137 ; 2 juin 2010 n° 09-40.215 : FRS 12/10 inf. 9 p. 9 ou FR 32/10 inf. 10 p. 12) ou d'un manquement de l'employeur à son obligation de protéger la santé et la sécurité des salariés (Cass. soc. 3 février 2010 n° 08-44.019 et 08-40.144 : N-IV-33660). Si en principe cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, (Cass. soc. 20 janvier 2010 n° 08-45.498 : NA-I-1598 fv), la Cour de cassation exerce son contrôle pour certains manquements d'une particulière gravité.
Source: Editions Francis Lefebvre
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