La Cour de cassation réunie en chambre mixte se prononce en faveur de la possibilité pour les représentants légaux d'une société par action simplifiée (SAS) de déléguer leurs pouvoirs en matière de gestion du personnel, admettant même que cette délégation soit tacite et se déduise des fonctions exercées par le délégataire.
La question des délégations de pouvoir dans les SAS faisait l'objet d'un vif débat au sein des milieux économiques et juridiques. De la position adoptée par la Cour de cassation dépendaient d'importants enjeux car les SAS sont, quantitativement, la première forme de sociétés par actions. Un grand nombre d'entre elles ont un poids économique considérable et emploient plusieurs milliers de salariés.
Pour les cours d'appel de Paris et de Versailles aucune délégation autre que celle prévue par l'article L 227-6 du Code de commerce n'était admise (CA Paris 3 décembre 2009 et 10 décembre 2009 : RJS 5/10 n° 408 ; CA Versailles 24 septembre 2009 : RJS 2/10 n° 166). Selon ce texte en effet, la SAS est représentée à l'égard des tiers par son président et, si ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité. Les juridictions de fond en avaient déduit que le pouvoir de licencier ne pouvait être délégué qu'à ces seuls mandataires sociaux statutaires. Cette position extrême reposait sur une confusion entre le pouvoir de représentation de la société, à travers ses organes de direction, que règle l'article précité, afin que ceux qui traitent avec la société soient assurés des pouvoirs de ses représentants, et le mandat que le dirigeant social peut donner à un membre de l'entreprise pour qu'il puisse accomplir certains actes au nom de la société. Ce dernier aspect concerne l'organisation des pouvoirs dans la société et non sa représentation extérieure. Fondée sur une interprétation erronée de l'article L 227-6, qui n'a pas cet objet, l'orientation retenue par les cours d'appel de Paris et de Versailles était en outre dépourvue de pragmatisme.
Ce refus de toute subdélégation autre que statutaire est donc condamné par les arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation du 19 novembre 2010. Ils reconnaissent en effet aux représentants légaux de la SAS (président, directeur général, directeur général délégué) la faculté de déléguer le pouvoir d'accomplir des actes déterminés, tels que l'engagement du personnel ou la rupture des contrats de travail.
Au-delà du cas particulier de la SAS, les arrêts ont une portée plus générale en la matière. Ils rappellent d'abord qu'il n'est pas nécessaire que la délégation de pouvoir revête une forme écrite et qu'elle peut être tacite et résulter des fonctions du salarié. Cette approche, qui fait référence notamment aux dispositions du Code civil sur le mandat (art. 1984 et 1998), rejoint celle de la chambre sociale. Celle-ci a en effet statué dans le même sens à propos du licenciement dans une filiale effectué par le directeur des ressources humaines de la société-mère (Cass. soc. 23 septembre 2009 : RJS 12/09 n° 898). La pratique des délégations fonctionnelles est ainsi validée. Le responsable des ressources humaines employé par la société trouve dans ses fonctions mêmes le pouvoir de licencier, parce qu'il est chargé de la gestion du personnel.
Par ailleurs, la chambre mixte rappelle que les actes effectués par le mandataire de l'employeur au-delà des pouvoirs qui lui sont attribués peuvent être ratifiés a postériori par ce dernier, expressément ou tacitement (Cass. soc. 10 novembre 2009 : RJS 1/10 n° 18, Bull. V n° 250).
Source: Editions Francis Lefebvre
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